La vie sans fuseaux

2 jours d'avion et 2 jours de bateau pour aller de l'autre côté de la terre.

T out commence avec un sac...

D’abord il y a un sac, posé au milieu du salon propre et rangé. Mes parents passent pour m’accompagner à la gare. La route est silencieuse, ça reste des vacances même si le projet est conséquent. Un mois et demi avant les retrouvailles. Au dépose minute, on ne fait pas durer. Les embrassades sont fébriles. Presque sans se regarder, mes parents retournent à leur voiture et je traverse la rue pour m’engouffrer dans la gare. “Romain, s’il te plait, ne te retourne pas, ça fait trop cliché”.

Dans le train mon regard s’égare dans des paysages familiers, plats, à peine vallonnés, des fermes au carré, des champs. Je sais que je pars que je suis en direction de mon île déserte pourtant mon esprit est tout à ma famille, à mes amis. – Dans un trajet, il y a d'abord la porte d'un appartement que l’on ferme, puis une porte automatique se referme mécaniquement sur vos pas, la porte d'un train, un tapis roulant vous éloigne un peu plus de chez vous, une porte d'avion... Et puis… Et puis sans se le dire, c'est une porte d'avion qui s'ouvre, la porte d'une maison d'accueil, la porte d'un bateau, puis un bout de rocher sur lequel on pose un premier pas. – Mon esprit se perd en réflexion. Je suis sous la Manche j’échange les derniers textos d’au revoir et de promesses de bière à mon retour ; Miracle de la technologie, connecté en 4G sous la mer…

Je vous passe les 9h30 de vol pour les États-Unis, les 12h pour la Nouvelle-Zélande et les 3 heures pour Tongatapu. Mais juste vous parler de mon état d'esprit. Dans l’avion, j’ausculte les plateaux-repas en plastique servis toutes les 6h ; Les gobelets, bouteilles, couteaux, fourchettes comme des choses étranges. Je me demande ce qui va me manquer, ce qui me semblera essentiel dans ces objets à usage unique, comme si, une fois consommés, ils perdaient leur caractéristique de gobelet, bouteille, couteau, fourchette. Une pensée me vient. Tout le monde a besoin de téléphoner une à deux fois par jour alors tout le monde a un téléphone. Tout le monde mange trois fois par jour et personne n’a son kit de couteau, fourchette et cuillère. Les choses sont parfois étrangement faites...

Á Auckland, allongé sur un banc, je me force à fermer les yeux pour me caler sur l'heure de ma destination. Je m’imagine manger à main nue comme au Maroc. Utiliser une noix de coco comme verre. Chercher ma pitance dans la mer ou les arbres, faire du feu depuis rien, au milieu d’une nature vierge. – Et voilà – Je crois que c'est à cet instant précis, dans cet état entre l’éveil et le rêve que j'ai basculé.

J'ai basculé des portes qui se ferment aux portes qui s'ouvrent. Des tapis qui vous éloignent à ceux qui vous rapprochent. De mon départ à ma destination : Tofua


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