
L'heure est au bilan de cette expérience unique, humaine, physique...
A
rrivé à Londres, en gare de St-Pancras, mon sac clignote en rouge dans leurs détecteurs. L'agent SNCF vide mon sac et fait un tas des affaires qui posent problème. La machette en premier, mes deux couteaux, le téléphone satellite, la seringue d'adrénaline, et une noix de coco que je ramène en souvenir. L'agent se gratte la tête, embêté « ça fait beaucoup... ». Je regarde le tas prohibé et je souris... Que de chemin parcouru depuis un mois.
Cette expérience a été multiple. La part d'enfant en moi a dormi à la belle étoile, a construit sa cabane, fabriqué des pièges... L'adolescent s'est perdu dans des réflexions métaphysiques ; L'adulte a accompli une expérience unique, s'est redécouvert, a testé certaines de ses limites.
J'étais aussi parti à la recherche d'une sorte de déclic. Une prise de conscience aiguë de qui je suis et des priorités de ma vie. Ce déclic n'a pas eu lieu tout bêtement car les déclic n'existent pas. Ou peut être pour certaines personnes qui ont frôlé la mort. Mais j'ai pris conscience que l'on est fortement défini par ce qu'on fait : Je suis la somme de mes actions. Et Tofua fait maintenant partie de moi.
Ça me fait bizarre d'avouer qu'au cours de l'expérience, les choses les plus précieuses ont été les choses qui m'insupportent le plus dans notre monde de tous les jours : La bouteille d'eau et le sac plastique... Icônes de la surconsommation, de l'usage unique, du je prends et je jette dans la minute, ces biens deviennent vitaux et précieux sur une île déserte. La bouteille, pour contenir et transporter une chose encore plus précieuse : l'eau. Et le pastiques, pour protéger la nourriture des animaux et de la convoitise des insectes.
Je retiendrai les moments forts qui forgent le caractère. Mais surtout les moments légers, d'un bonheur simple : Le ciel étoilé, prendre une heure pour déguster une orange, se balader sans chemin tracé devant soi, le plaisir de se perdre dans les heures et les jours qui passent.
J'ai découvert que seul, à réfléchir seul, à moins d'être moine bouddhiste, j'ai plus eu l'impression de ruminer que de tirer des enseignements. C'est l'échange avec les autres qui me fait grandir. Et pour ça, merci aux rencontres faites sur cette « île déserte ».
Comme le petit prince et son mouton dans une boîte, je pense qu'on a tous une boîte avec une île dedans. J'ai eu la curiosité d'ouvrir cette boîte. Mon île déserte, ne ressemble en rien aux îles cartes postales. Elle est vierge, difficile, d'une beauté sauvage. Bizarrement, sur mon île déserte, il y a des gens de différents horizons. Des amis qui partagent, qui vous apprennent. Mon île, on ne peut pas en faire le tour. Il y a plein d'endroits à visiter, la forêt, la montagne, les lacs, la mer, les volcans. J'y ajouterais aussi quelques plages avec de belles vagues. Bref, mon île ressemble étrangement à Tofua et pourtant elle m'est unique.
L'expérience était celle que j'attendais ? Non.
L'expérience était dure ? Pas vraiment. Je la définirais comme intense.
Suis je heureux d'avoir fait cette expérience ? Oh que oui !
La prochaine fois qu'on se verra tu auras probablement plein de questions à me poser Et j'y répondrai avec plaisir. En retour, je n'aurai qu'une question « Et toi, à quoi ressemble ton île ? »