Le jour après vendredi

Lundi, Mardi, Mercredi, Jeudi, Vendredi, Lofi, Samedi, Dimanche...

L a lune n’est qu’un mince fil doré qui sourit dans la nuit. La mer scintille à peine des étoiles qu’elle reflète. Les vagues approchent en grosses masses noires avant d’exploser en mousses blanches et remplir les bassins rocheux dans lesquelles je marche. Les roches humides sont un danger permanent pour mon pas incertain. J’imite Lofi, torche à la main la machette dans l’autre, je sonde les retenues d’eau abandonnées par la marée basse. La vie y grouille de poissons paresseux qui ont préféré la détente d’une flaque d’eau aux dangers de l’océan, de homards toujours en quête d’une cavité pour s’y blottir. Sous les feux intenses de la torche, les animaux restent léthargiques. Papillons hypnotisés par l’ampoule. Malgré ça, je ne ramène que trois poissons. Lofi, 8kg… – Point à Lofi.

Je cours à perdre haleine, deux machettes et une corde à la main. Les branches griffent, les toiles d’araignées se déchirent et collent à mon visage. Les aboiements viennent de la gauche, je bifurque. De la droite maintenant. Des lianes me barrent la route. Je les contourne. Là, oui, juste derrière, les chiens sont surexcités. Je retrouve Lofi, un cochon à bout de bras au-dessus de sa tête et les chiens qui lui sautent dessus. Je distribue des coups de pieds pour calmer les ardeurs.
Lofi attache la proie à un arbre. “Continuons, on viendra cherche ce cochon plus tard”. Je lui fais part de mes doutes quant à son nœud… Nous reviendrons finalement “Tofouille” comme on dit par ici. – Point à Romain.

“Dix minutes, pari tenu” Personne n’a de montre mais on se tape dans la main pour conclure l’accord. L’un en face de l’autre, courbés sur notre ouvrage, l’instant est à la concentration. Qui peut se vanter de perpétuer une tradition de plus de 500 000 ans ? Un coup d’œil en face, le front de Lofi dégouline de grosses gouttes. L’odeur me chatouille déjà le nez, cette bonne odeur de fumée, mais de fumée stérile. Je jette mon bâton “Tu vois...” Lofi me sourit. Je contemple le wild guy. La fumée arrive, entretenue au prix d’un gros effort. Sans prévenir son bâton sort du guide, éjecté à cinq mètre. Essoufflé, Lofi sourit “Temps trop humide aujourd’hui” J’éclate de rire. – Egalité, balle au centre.

La bête lance la charge dans ma direction. Tout mon être se liquéfie. Oui la bête est attachée. Mais si la corde lâche ? Je ma cache derrière des feuilles, protection illusoire.
La bête est au bout de la lance. Je suis à l’autre bout. Mes mains sont crispées, je pèse de tout mon poids. Lofi est à côté de la bête. Il me jette un regard et souffle, “Surtout ne lâche pas”. Il prend sa machette à deux mains et la lui enfonce dans le cœur. – Avantage et match Lofi.

Ces deux derniers jours ont été d’une densité folle. J’ai bien du mal à énumérer tout ce que nous avons fait ensemble. Pêcher sans hameçons, débusquer des homards, chasser avec les chiens et attraper un cochon, perfectionner un piège et attraper un deuxième cochon, tuer un cochon, le vider, le découper. Castrer un cochon (Si, si, je vous assure), attraper des poules sauvages, découvrir tous les secrets de la noix de coco, faire un Humu et j’en passe.

Avec Lofi, j’ai entraperçu ce qu’était un wild guy comme il aime à le dire. J’ai survécu sur Tofua. Mais avec lui la survie se transforme en vie prolifique… On a amassé 90 kg de viandes, 8kg de poissons, de quoi nourrir toute sa bassecour de chiens (4) de poules (7) et de cochons (3) pendant des semaines.

Sur Tofu, les jours n’existent pas vraiment. Le lundi est une notion bien subjective… Robinson avait sont vendredi. Eh bien moi j’ai eu mon Lofi. Sur Tofua, désormais pour moi, le vendredi sera suivi du Lofi avant d’enchaîner avec le samedi...


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