Le chien mouillé

Première leçon de l'île : la survie prend du temps...

À 300m à l’intérieur des terres, nous posons nos sacs. “Voilà, à toi maintenant de trouver ta place et de construire ta maison” me lance Lofi avant de changer de tête. “Quelqu’un est venu ici…” En un coup d’œil, il voit que des personnes étaient là il y a moins de 2 jours. Et plus problématique, ils ont volé tout son matériel (Panneau solaire, matériel de bricolage, jardinage). Pour ne pas être parasité par ses problèmes, il m’invite à aller me balader, trouver ma place mais insiste pour que l’on dorme ensemble ce soir. On ne sait pas si quelqu’un rôde encore...

Je me balade le long de la côte à 30 minutes à l’est puis à l’ouest du lieu que Xavier (Le suisse à l'origine du projet) avait choisi. J’entre directement dans la réalité. Naviguer en forêt est compliqué. Aucun point de repère, je me perds déjà. Il fait extrêmement chaud. Mon visage est plein de toiles d’araignées, les chevilles de lianes, les cheveux de bêtes et de morceaux de bois. Le temps de mon escapade, j’engloutis facilement mon litre cinq d’eau. Je rentre décidé un peu avant le coucher du soleil : Je ne m'éloigne pas de l’eau.

Le soir, Lofi, dans son élément, nous prépare du Topaï (Coco rappée + farine + sucre - bouilli dans l’eau). Plutôt pas mal. La journée a été riche en émotions. La traversée bien longue m'a tatoué au fer rouge du soleil les bras et le visage.

La nuit est bonne. La cabane (maison) de Lofi a un toit étanche. Et heureusement aux vues des saucées que l’on s’est pris. Au matin, il n’y paraît rien. Même pas dérangé par les moustiques ! Ce n’est que 15 minutes plus tard que je découvre qu’ils ont œuvré en silence… J’ai les jambes et les bras couverts de boutons... Je m’enfile deux trois boulettes de coco-farine et je descends avec ma machette et deux litres d’eau. Je vais construire ma cabane !

D’abord je cherche un endroit plat pour m’allonger. En testant, horreur ! Peu importe la méthode, dès que je m’allonge, les insectes, fourmis, sauterelles, pinces oreilles, vers de terre, araignées se ruent sur moi… Impossible. Je passe à l’option hamac. Re quelques tests, pas évident car il pleut dix minutes toutes les dix minutes, pour sélectionner le lieu idéal. Vers ce que j’estime être midi, j’essaie de faire du feu. Un échec... Toute la forêt est encore humide de la nuit. Je visite les criques en face pour voir d’où je peux pêcher ? Et c’est penché sur un rocher, la pluie en phase active, que j’arrête tout. “ C’est quoi ta priorité de la journée Romain ? La cabane !”. D’abord je me protège de la pluie ! Ensuite je pourrais penser à autre chose !

Malgré ma détermination et l’énergie que j’y investi, j’ai bien du mal à terminer l’ossature le soir même. Assis au milieu d’un cube dessiné dans l’espace par des branches laborieusement coupées à la machette, il pleut. Je me dis “Non ! C’est pour ça que j’avais besoin d’être seul… C’est pour ça…” Comme un chien mouillé, la queue basse, le regard triste, je remonte pour ma deuxième nuit chez Lofi.

Lofi a pêché l’après-midi. Il a du poisson pour un régiment. Nous discutons longuement face à nos arêtes. Il rigole de mon impatience.”Ma maison, il m’a fallu un mois complet pour la construire. Tu devrais mettre plus d’une semaine pour la tienne si tu fais tout de A à Z. Un mois c’est court et la survie prend du temps... Sois intelligent, astucieux et ne sois pas pressé.” Il me raconte les déboires d’autres aventuriers, cet australien, qui l’a appelé à l’aide au bout d’une semaine, sans cabane et perdu dans la forêt. Ces deux Suisses, qui ont passé 2 mois à construire une cabane qui ne fut jamais achevée. Lofi veut être une sorte de facteur accélérateur.

Il doit partir le lendemain pour aller voir les douaniers et déclarer le vol. Nous nous mettons d’accord. Il part une semaine. Puis en fonction de ma débrouillardise, il repartira une à deux semaines dans un autre coin de l’île. Alors que nous nous couchons, il pleut des cordes. Je bénis le ciel de ne pas être sous ce déluge.

Au matin, je me promets que l’aventure commence aujourd’hui.

Je commence par consolider l’armature puis je récupère toutes les feuilles de palmier tressées d’anciennes cabanes, même les moisies que je sèche au soleil. Je n’ai pas de corde et pour le toit je fais appel à la gravité. Quelques bonnes branches lourdes coupées aux alentours font l’affaire. Je trouve une sorte de corde constituée de huit brins (Comme de la corde de raquette de tennis). Je passe une bonne partie de la journée à la détresser. J’ai mal aux muscles de la mains. Le bout des doigts sont douloureux. Je ne lâche pas. J’ai le temps de monter un mur face au vent et d’accrocher mon hamac avant qu’il ne fasse nuit. Je m’écroule dedans de fatigue.

Comme vous vous en doutez, non, le toit n’était pas étanche...


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