La féé de Cook

J'ai touché le fond. Je rebondis plus haut que jamais...

U n dieu m’a entendu, ou un esprit de l’île ou tout simplement est-ce l’adage qu’après la pluie vient le beau temps. Enfin en demi-teinte… Le ciel est gris mais pas un souffle d’air pour faire danser la cime des cocotiers. Grâce au téléphone satellite j’ai la confirmation pour mon bateau. C’est une extrêmement bonne nouvelle.

J’ai besoin de protéines, d’énergie. Devant l’eau calme, j’appâte nonchalamment le poisson du bout de ma nouvelle canne à pêche. Je prends soin de moi. Je me baigne. Je prends une douche et nettoie mon corps d’une semaine de sel et de transpiration.

La mer reste calme et le ciel a pris une couleur bleue uniforme. Jamais un avion au-dessus de Tofua pour gâcher ce monochrome. J’apprends de mes erreurs. Sans me le dire, j’aspire à un long trek autour de l’île mais j’y vais étape par étape. Je vais vérifier le piège à cochon que j’ai confectionné la veille puis je pêche, je mange et pars pour un après-midi de randonnée. La piste en forêt est traitre et trompeuse, elle nécessite parfois de bons coups de machette. Je tâtonne, je me perds et reprends du dernier point valable. Certains arbres portent les stigmates d’un ancien sentier. Je leur rajoute une marque ou en tatoue de nouveaux. Comme un jeu de piste, j’observe chaque indice, largeur du sentier, les anciennes cicatrices aux feuilles, aux arbres, les traces de cochons qui facilitent l’avancée ou vous mènent dans des culs de sac. Puis le soleil faiblit et sonne la fin de la récré. Je rentre comme un mineur fier d’avoir creusé un peu plus loin.

Même schéma, beau-temps, piège, pêche, grillage et randonnée. J’arrive sur un plateau herbeux comme le haut de la caldeira. La piste est plus simple à suivre car les graminées restent traumatisées des pas des explorateurs et poussent d’une taille ou d’une couleur différente. J’avance vite le long d’une falaise qui ne semble jamais vouloir redescendre. Dès que je peux, j’essaie de trouver un accès pour pêcher et ainsi allonger ma sortie à deux jours mais les 10 mètres de roche ne présentent aucune faille. Je dois être en territoire cochon. Mako ne sait plus où donner de la tête. Il court devant, surgit derrière moi, jamais fatigué à flairer son Saint Graal. Il aboie, je presse le pas. Je le retrouve allongé à l’ombre d’un arbre devant un horizon sphérique sans Kao pour perturber la courbure de la terre. A nos pieds, la faille tant recherchée. Ça y est, je l’ai ma deuxième journée de trek !

Comme “un jour sans fin”, ma belle journée recommence : beau temps, piège, pêche, grillade, randonnée, j’arrive devant les herbes aplaties la veille par Mako. La descente est… On va dire… Chaotique. Je descends en rappel accroché aux racines des arbres de plus en plus inquiet pour la remontée. A mi-chemin, en plein questionnement existentiel “Non Romain, ce n’est pas raisonnable. – Mais voyons Romain, c’est ça l’aventure !” Je confonds une racine avec une corde enchevêtrée dans la végétation qui a repris ses droits. Je teste sa solidité qui me convainc et termine avec elle. En bas, la nature est splendide. La roche est creusée en de grosses cavités. La côte forme comme un port naturel. Je pêche pour la soirée. Malheureusement, pas possible d’y dormir. J’y reste un long moment. Plus loin dans la falaise, je découvre de vraies petites cavernes pas hautes mais on peut y tenir allongé. Dans l’une d’elle je dépose une fée clochette donnée par une amie. La grotte a maintenant une gardienne. (J’apprendrai plus tard que j’ai visité les grottes de Cook). Je remonte couvert de sueur et de terre en mode via-ferrata. J’installe le camp.

Mon estomac est plein. Le feu se fatigue de crépiter. Allongé dans l’herbe, le ciel étoilé me scotche là. Je n'essaierai même pas de le décrire. Voilà, un ciel indescriptible. Je vois passer la station ISS Internationale. Je me dis qu’à la prochaine étoile filante, je vais me coucher. La station ISS passe une seconde fois. Au troisième passage mes yeux se ferment. Tant pis pour l’étoile filante. Je m’endors avec une certitude ; Je n’ai pas vu d’étoiles filantes car je n’avais pas d’autres vœux que d’être là et de vivre ce moment d’intense liberté.


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